«Nous sommes ce que nous répétons tous les jours» – Aristote

«La grâce et l’aisance de nos mouvements, ceci est plus important que vous ne le croyez». -Moshe Feldenkrais

Dans notre article de janvier, nous partageons avec vous une autre vidéo qui est source d’inspiration. Maïa vieillit bien. 95 ans! Quel est son secret, mis à part une bonne génétique?

C’est le plaisir de bouger et la présence habitée de Maïa qui sont touchants. Un rapport à son corps qui respire la sensualité, connecté à son environnement, encore plein de vitalité et de force.

Un entraînement que l’on sent organique, plaisant. Une respiration qui goûte l’air. Un corps (soma) vivant et vibrant à 95 ans. Le mouvement devient plaisir quotidien et conscience de soi. Une façon de vivre, de se vivre. Comme elle le dit : Simplicité, travail et plaisir.

Belle leçon pour nous!

S’entraîner régulièrement c’est bien pour le corps et nous le savons! Et de plus en plus, selon des recherches récentes, s’entraîner améliorerait aussi les fonctions cognitives supérieures (sujet de notre prochain article).

Et s’entraîner au-delà de l’automatisme et de la répétition fait-il une différence? Selon l’éducation somatique, oui. Bouger dans des activités que l’on apprécie, avec conscience (Embodied awareness), en savourant le fait d’être vivant et en portant attention à la qualité d’organisation de nos actions est particulièrement intéressant pour entretenir sa vitalité et une intimité avec soi. Et c’est ce que Maïa nous transmet dans la vidéo.

«Dès que nous sommes pleinement présents, avec conscience (awareness) et attention, nous avons accès à notre plasticité cérébrale, à notre capacité de changement». Daniel J. Siegel, psychiatre américain. Membre du National Institute of Mental Health Research à l’université de Californie (UCLA). Extrait d’une conférence donnée au NICAMB le 16 janvier 2013.

Une certaine plasticité serait donc possible à tout âge…. et bouger avec attention serait une des clés pour l’entretenir.

Aussi pour Feldenkrais, la vieillesse….. «Commence avec la limitation – que l’on s’impose – de ne plus former de nouveaux schémas d’organisation corporels. On sélectionne d’abord des attitudes et des postures correspondant à une certaine dignité et ainsi on rejette certaines actions comme s’asseoir sur le sol ou sauter, qui deviennent bientôt impossible à faire. La reprise et la réintégration même d’actions aussi simples, a un effet marqué de rajeunissement non seulement sur l’aspect mécanique du corps, mais sur la personnalité dans son ensemble». Esprit et corps, 1994.

Feldenkrais apporte ici une vision fonctionnelle et globale du lien corps-esprit.

Pour garder une fonction dans notre répertoire, nous devons l’utiliser (Use it or loose it). Notre système nerveux est immensément complexe, mais il est économe et il aime apprendre. Si notre répertoire d’actions, d’activités se réduit trop, si notre vocabulaire de mouvements s’appauvrit trop, c’est toute notre vie -habiletés physiques et cognitives- que nous limitons peu à peu. Notre image corporelle souffre d’un manque d’intégration et le rapport à la gravité devient graduellement plus fragile.

Comment conserver un bon équilibre si nous bougeons peu et dans un répertoire de mouvements qui est restreint? Comment conserver une agilité et une souplesse si nous utilisons qu’un tout petit pourcentage de ce que nous faisions spontanément à 2 ans? Comment bien penser si notre corps perd son intelligence?

Il manque encore beaucoup de recherches – dites scientifiques- des bienfaits de l’éducation somatique sur la santé globale. Toutefois, ces dernières années le vent tourne et nous commençons à accumuler un certain nombre de données sur les effets du yoga et du tai chi sur la santé des aînés.

Plus près de notre pratique, nous vous présentons un résumé de deux recherches1 qui s’intéressent aux bienfaits de l’éducation somatique avec la méthode Feldenkrais sur la fonction de l’équilibre.

L’équilibre des personnes âgées
Conserver l’autonomie des personnes âgées est un enjeu de société majeur. La diminution de leurs habiletés physiques et cognitives, ainsi que le manque de confiance en soi qui en découlent sont d’importantes causes d’isolement.

L’équilibre fait partie des facultés touchées par le vieillissement. Être capable de se tenir debout sur ses deux pieds et s’y sentir stable peut devenir un défi quotidien pour une personne du troisième âge.

La perte de l’équilibre n’est cependant pas irréversible. Elle peut être améliorée par la pratique d’exercices. Plus spécifiquement, il a été démontré qu’un entraînement composé de mouvements sollicitant directement les fonctions responsables de l’équilibre (balance training) est plus efficace pour réduire les risques de chute qu’un programme basé sur la force ou l’endurance.

La réhabilitation de l’équilibre nécessite donc une stratégie de travail qui doit stimuler les systèmes sensoriel, moteur et cognitif, ainsi que notre capacité à interagir de manière dynamique avec l’environnement. La méthode Feldenkrais, connue pour améliorer la conscience corporelle et l’organisation du mouvement, propose plusieurs variations de bouger qui sollicitent des composantes essentielles au maintien de l’équilibre, tels que les yeux, le tronc, les pieds, la proprioception, les systèmes vestibulaire et visuel.

Ces caractéristiques en font une démarche prometteuse qui a le potentiel d’améliorer la fonction de l’équilibre chez les aînés. De plus, l’intérêt de ces personnes pour les disciplines corps-esprit, dont fait partie la méthode Feldenkrais, est croissant. Tandis que les programmes d’exercices plus traditionnels semblent moins les attirer. L’ambiance non compétitive et les bienfaits sur la santé sont des qualités des approches corps-esprit qu’apprécient les personnes âgées.

La démarche des deux recherches1
Les deux recherches qui font l’objet de ce résumé se sont intéressées à cette problématique en testant l’effet de programmes inspirés de leçons de Prise de conscience par le mouvement sur l’équilibre et la mobilité de personnes de plus de 65 ans. Ces études ont mesuré différents paramètres liés à ces fonctions sur deux groupes de personnes de cette tranche d’âge : un groupe témoin et un autre soumis à une série de leçons de la méthode Feldenkrais. Voici quelques exemples des mesures effectuées auprès de ces deux groupes : la confiance en ses capacités à ne pas tomber, différentes caractéristiques de la marche, le maintien de l’équilibre lors de petits sauts, lors de changements de direction et d’appuis sur un pied.

Les résultats et la conclusion
La conclusion de ces recherches est positive. En effet, les programmes inspirés par des leçons de Prise de conscience par le mouvement de la méthode Feldenkrais ont amélioré l’équilibre et la mobilité des personnes qui les ont pratiqués. Ces participants ont obtenu de meilleures performances que ceux faisant partie du groupe témoin. Cela s’est aussi traduit par une plus grande confiance en leurs aptitudes lors de l’exécution de tâches quotidiennes.

Basée sur l’exploration et l’apprentissage par « essais et erreurs », la méthode Feldenkrais permet aux personnes âgées de mettre en place différentes options de mouvement pour préserver et réhabiliter leur équilibre. Les effets d’une telle démarche ne se limitent pas seulement à une amélioration physique. La pratique de la méthode Feldenkrais contribue à préserver l’autonomie et le bien-être des personnes âgées tout en redonnant confiance en leurs capacités perceptives et motrices.

1Références
Connor et al, 2011. Feldenkrais Method Balance Classes Improve Balance In Older Adults: A Controlled Trial. Evidence-Based Complementary and Alternative Medicine. Volume 2011, article ID 873672. 9 pages. Télécharger en format PDF

Ulmann et al, 2010. Effects of Fedenkrais Exercices on Balance, Mobility, Balance confidence, and Gait Performance in Community-Dwelling Adults Age 65 and old. The Journal of Alternative and Complementary Medicine. Volume 16, Number 1, pp 97-105. Télécharger en format PDF

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Cet article a été rédigé par Suzanne Charbonneau et Julie Drouin, avec la collaboration de Christiane Martin

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